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premier ministre actuel d'Italie rassemble entre ses mains toutes les
chaînes hertziennes du pays. Entre public et privé, rien ne lui échappe.
Sylvio Berlusconi aurait déjà commencé à nommer ses amis à la tête
des chaînes publiques. L'inquiétude est grande dans les cercles
politiques européens qui y voient l'antithèse de la démocratie. Vous
croyiez que la démocratie c'était le droit de vote? Naïfs que vous êtes,
la démocratie c'est le contrôle de la télévision, et le pouvoir d'y
placer ses amis!
n France, Catherine Tasca a
été la plus véhémente en réaction à cette situation, refusant
d'accueillir le premier ministre italien, attendu pour l'inauguration du
Salon du livre à Paris, centré cette année sur... l'Italie. Au nom de
la lutte contre l'exclusion certainement? Comme d'habitude, c'est
l'indignation à deux vitesses: quand le président Mitterrand nommait
ses amis à des postes clés de l'audiovisuel français, qui criait au
loup?
n Italie, Massimo D'Alema,
concurrent direct de Berlusconi en tant que président des démocrates sinistra
(de la gauche, en italien), a une position plus décapante: il suggère
d'appliquer la loi de 1957 qui interdit à un concessionnaire d'une
licence de télévision d'être élu. Ironie, cette loi ne semble pas
interdire de se présenter à une élection. Et moi qui croyais
que la démocratie c'était le respect de la vox populi par
l'entremise du vote!
u
sein du gouvernement Berlusconi, il existe un autre cas manifeste de «
conflit d'intérêt »: son ministre des Travaux
publics n'est autre qu'un des entrepreneurs les plus importants du
secteur. Va-t-il s'auto-attribuer des marchés? Encore plus amusant,
l'avocat Carlo Taormina défendait ses clients de Cosa Nostra... tout en
assumant les fonctions de secrétaire d'État à l'Intérieur, avant de
démissionner heureusement: un avocat ne peut être dans les deux camps
à la fois, il léserait ses clients.
t
puis les licences d'émission, ça se renouvelle. Berlusconi va-t-il
renouveler la licence des chaînes télés de Mediaset qui ont fait sa
fortune? Le suspense est immense! Et quand Rupert Murdoch rencontre
Berlusconi en privé, est-ce pour parler politique ou business? Toujours
est-il que le lendemain, l'action du groupe du premier ministre
businessman montait en bourse. Dans quelle mesure les actionnaires
ont-ils été influencés par la position politique de Berlusconi?
Comment assurer dès lors la concurrence puisque Berlusconi peut
garantir à Murdoch une licence en Italie contre une alliance ailleurs?
Conflits
d'intérêts
es
problèmes de conflits d'intérêts émergent dès lors qu'un homme
politique peut user de sa position pour avantager ses clients, ses
entreprises, sa famille... Cela permet, sans avoir à détourner
d'argent, de profiter des lois pour accorder un avantage en dehors du
marché. Le cas de Berlusconi est plus complexe puisque les reproches
vont même jusqu'à lui nier la possibilité d'une vie politique, comme
les propos de Massimo D'Alema le laissent entendre.
es
solutions envisagées par les politiciens tiennent tout au plus de la
cautère sur la jambe de bois: comité de sages pour juger de la
compatibilité entre un poste politique et une propriété ou une
fonction, lois obligeant à vendre la propriété incriminée,
limitations artificielles de possibilités de concentration dans les médias
ou d'autres secteurs économiques...
ui
va nommer le comité de sages? Le pouvoir en place? Ne pourrait-il pas
être tenté d'invalider une candidature gênante? Le problème basique
du conflit d'intérêt n'est donc en rien résolu. Pire: il ajoute au
premier problème un second bien pire: en forçant l'arrêt d'une
activité ou la vente d'une propriété, il lèse le propriétaire du
bien, les clients potentiels, ou en empêchant la concentration c'est
toute idée de concurrence qui est tuée immédiatement! Et pourtant,
toutes ces interrogations sans fins pourraient être balayées d'un
revers de main.
'abord
rappelons aux démocrates, même ceux de gauche, que tout citoyen
devrait avoir accès à toutes les fonctions de l'État, sans
distinction de patrimoine ou de fortune
diverse
oncernant le renouvellement
des licences de télévision des chaînes de Mediaset, la position
libertarienne élimine le problème à la racine: pourquoi devrait-on
demander à l'État d'avoir le droit de diffuser sa propre chaîne de télé?
Non ce ne serait pas l'anarchie: il suffit là comme ailleurs de fixer
des droits de propriété sur les canaux disponibles sur un
territoire donné et de les vendre aux enchères. Le plus offrant sur
une période donnée se verrait ainsi attribuer le droit d 'émettre.
Les rencontres entre magnats de la presse, qu'ils soient ministres ou
pas ne changeraient alors rien au cours des actions...
oncernant
les nominations d'amis
au conseil d'administration des RAI, les chaînes
publiques, le problème ne vient pas du fait que M.
Berlusconi est à la fois concurrent de ces chaînes
et leur directeur. Non, il tient dans l'existence même de ces chaînes.
Rien ne justifie que 50% des chaînes italiennes soient publiques... pourquoi
pas 50% de l'édition aux mains des fonctionnaires? Pourquoi pas 50% des
journaux aussi?
'une part je doute que
les démocrates zélés puissent parler de « pluralité démocratique
» lorsque 50% des médias sont aux mains des hommes de l'État,
donc à leur
service; d'autre part c'est ignorer complètement le marché. Les préférences
individuelles sont foulées aux pieds: en France on paye même une «
taxe télévision », la redevance télé de 120
euros environ. Certains ne regardent jamais les chaînes d'État, payant
plutôt le câble ou le satellite...
mais comme les compagnies de câble et satellite doivent donner au fisc
les listes d'abonnés, vous payerez tout de même pour les chaînes
indésirables. Amusant, non?
L'équilibre
médiatique
l reste malgré tout un
argument des étatistes que je n'ai pas mentionné, qui veut qu'en démocratie,
les pouvoirs judiciaires, exécutifs, législatif... et médiatique
doivent rester en « équilibre ». Mais accepter cet
argument signifierait abandonner aux politiciens le pouvoir de décision:
l'équilibre, qui va le déterminer sinon eux? Et n'est-il pas déjà
rompu avec l'immixtion des hommes politiques dans les médias? La Cinque
peut-elle tout dire sans perdre sa licence d'émission?
n
France, la chaîne M6 a bien failli la perdre présumément à cause de
l'émission Loft Story où 12 jeunes gens enfermés dans une
maison (le « loft ») se faisaient filmer en permanence.
À moins que cela n'ait été parce que des personnages hauts placés
n'appréciaient pas les reportages des magazines Capital (information
économique, très libéral) et Zone interdite (très réaliste
sur le sujet de la criminalité)?
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dernier mythe des étatistes est celui de « l'information
contrôlée par l'argent » (Massimo D'Alema in LeMonde.fr).
Pour le dissiper, je vous pose juste une question: vous préférez lire
la Pravda ou le Wall Street Journal?