TEXTES OFFICIELS

Même dans une démocratie, la liberté de la presse ne va pas sans problèmes. Dans les dernières années en particulier, on voit s'affronter les tenants du "droit au secret" au sens large (du secret défense au droit au respect de la vie privée) et les tenants du droit à l'information. Avec des maximalistes dans les deux camps.

 

                                                                

Textes officiels   

 

 

 

 

 

Etat du dossier en 2002

 

 

 

 Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (26 Août 1789)


Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans des cas déterminés par la loi

Constitution du 3 Septembre 1791


Titre Premier. Paragraphe 2

« La Constitution garantit pareillement comme droits naturels et civils : (...)

- La liberté à tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer et publier ses pensées, sans que les écrits puissent être soumis à aucune censure ni inspection avant leur publication, et d'exercer le culte religieux auquel il est attaché ; (...)

Le Pouvoir législatif ne pourra faire aucunes lois qui portent atteinte et mettent obstacle à l'exercice des droits naturels et civils consignés dans le présent titre, et garantis par la Constitution ; mais comme la liberté ne consiste qu'à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d'autrui, ni à la sûreté publique, la loi peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique ou les droits d'autrui, seraient nuisibles à la société. »

NB : la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen figure en préambule de la Constitution de 1791.

 

Décret du 3 Août 1810


Art 1er - Il n'y aura qu'un seul journal dans chacun des départements autres que celui de la Seine.

Art. 2 - Ce journal sera sous l'autorité du préfet et ne pourra paraître que sous son approbation.

 

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse


CHAPITRE Ier
DE L'IMPRIMERIE ET DE LA LIBRAIRIE

Article 1er

   L'imprimerie et la librairie sont libres .

Article 5

   Tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement.

 

 Loi de 1949 sur les publications destinées à la Jeunesse


[ Sont interdites ] les publications présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous crimes ou délits de nature à démoraliser la jeunesse.

 

Loi du 1er Juillet 1972 contre le racisme


Art. 1. Ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux publics, soit par des écrits, dessins ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués auront provoqué à la discrimination, la haine, la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 2 000 à 300 000 Francs ou de l'une de ces deux peines.

ONU : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (10 décembre 1948)


Art. 19. Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.

Loi du 17 juillet 1970 (intégrée au code pénal) : la protection de la vie privée


Art. 226-1: Est puni d'un an d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui:

1) En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel;

2) En fixant enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.

 

 

 

 

 

 

 

 

La Liberté de la presse en 2002

La liberté de la presse et des médias en général est souvent au centre de débats importants : elle paraît à la fois indispensable à la démocratie et dangereuse quand les médias en abusent. Pourquoi en est-il ainsi ? Comment garantir la liberté des médias ? Quelles limites peut-on lui imposer ?

1. Diversité et importance des médias

On appelle aujourd’hui médias l’ensemble des moyens de diffuser l’information. Les médias comprennent donc principalement :

– la presse écrite (périodiques comme les journaux quotidiens et les magazines), qui a été historiquement le premier média ;
– la radio et la télévision, que l’on appelle les médias audiovisuels.

Mais on peut considérer que l’affichage et les sites d’information sur Internet sont aussi des médias.

Les démocraties garantissent aujourd’hui la liberté d’expression et la liberté de la presse, qui est en fait la liberté de tous les médias (et pas seulement de la presse écrite). La circulation de l’information est en effet indispensable pour que chacun puisse se faire son opinion librement. Pour cela, il faut que les médias soient pluralistes (qu’ils représentent des opinions différentes) et qu’ils soient indépendants de tous les pouvoirs qui peuvent avoir intérêt à les contrôler : du pouvoir politique qui peut les transformer en instruments de propagande, mais aussi des puissances économiques (grandes entreprises).

Les médias, dans notre société, et en particulier la télévision, ont un grand impact : ce qu’ils diffusent est vite su de tous et souvent tenu pour vrai. Que faire, alors, s’ils abusent de leur liberté en répandant des informations fausses ou s’ils exposent la vie privée de quelqu’un sans son accord ?

2. L’indépendance des médias

2.1. L’indépendance face au politique

Dès que les ouvrages imprimés sont apparus (dès le XVe siècle), ils ont été soumis à la censure : ils devaient d’abord être présentés à un censeur, qui pouvait en interdire la publication ou poser des conditions pour l’autoriser, en général la suppression de certains passages. La Révolution de 1789 abolit la censure : c’est la première fois que se développe en France une presse écrite libre. Mais la censure est ensuite rétablie à plusieurs reprises. Il faut attendre la IIIe République et la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour que la presse écrite devienne définitivement libre.

En matière de médias audiovisuels, l’évolution a été plus longue. Au début de la radio et de la télévision (de 1920 à 1940), ces deux médias ne sont pratiquement pas contrôlés, mais à partir de 1945, au moment où ils commencent à toucher la masse de la population, ils deviennent un service public propriété de l’État (la RTF, Radio Télévision française). Ce service est placé sous la tutelle du ministère de l’Information, qui intervient alors souvent pour orienter le travail des journalistes dans un sens favorable au pouvoir en place. Les seules radios « libres » sont des radios qui émettent depuis l’extérieur du territoire français. À partir de 1981, cette situation change.

Les radios et les télévisions privées sont autorisées en France : les radios le sont dès 1982 ; pour les télévisions le changement s’est effectué plus progressivement (la première chaîne privée est née en 1984, c’est Canal +). Cependant, radios et télévisions ne peuvent pas commencer d’émettre du jour au lendemain, en particulier pour des raisons techniques : le nombre de canaux disponibles (fréquences d’émission) est limité et il faut éviter qu’elles ne se brouillent les unes les autres. Il leur faut donc obtenir une autorisation qui est délivrée par une autorité indépendante et non par l’administration. Cette autorité, depuis 1989, s’appelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Ses neuf membres sont nommés par des personnalités politiques (présidents de la République, de l’Assemblée nationale, du Sénat), mais ils n’ont aucun compte à leur rendre et ne peuvent pas être démis (renvoyés) de leurs fonctions.

La France, comme la plupart de ses voisins européens, a conservé un service public audiovisuel : Radio France et France Télévision (chaînes comme France 2, France 3, La Cinquième, Arte, etc.). Ces chaînes restent propriété de l’État et sont financées par un impôt, la redevance audiovisuelle, même si une part de leurs ressources provient aussi de la publicité. Mais le contrôle du pouvoir sur l’information donnée par les chaînes publiques a, en principe, disparu. Pour le garantir, les responsables de ces chaînes ne sont pas nommés par le gouvernement, mais par le CSA.

2.2. L’indépendance économique

Les transformations des années quatre-vingt ont donc ouvert l’ensemble du secteur des médias à la concurrence : les chaînes sont devenues très nombreuses, surtout depuis que le développement de la télévision par satellite et par câble a augmenté le nombre de canaux disponibles. Toutes les chaînes se concurrencent entre elles et concurrencent aussi la presse écrite : jusqu’en 1982, les quotidiens nationaux ont profité de ce qu’ils étaient indépendants du pouvoir, ce qui les rendait plus crédibles que la radio ou la télévision. Aujourd’hui, ils n’ont plus cet avantage. Cette concurrence est en principe une garantie pour le pluralisme de l’information. Mais elle peut aussi se retourner contre le pluralisme, pour deux raisons.

La concurrence n’est pas uniquement une concurrence pour le public : c’est une concurrence économique entre entreprises de presse (propriétaires de journaux, de chaînes privées). Or, le but de la concurrence est d’éliminer, d’absorber le concurrent : le propriétaire de chaînes ou de journaux qui font des bénéfices importants peut s’en servir pour acheter des chaînes ou des journaux en faillite et se constituer ainsi un monopole sur l’information aussi dangereux pour la liberté de la presse que le contrôle de l’État. Pour lutter contre ce risque, une loi de 1984 interdit la concentration dans les journaux : une personne, une entreprise ne peut pas posséder plus d’une certaine part du tirage total de la presse écrite, appelé seuil de concentration. Les lois qui ont ouvert l’audiovisuel à la concurrence, votées à une époque où l’on était déjà conscient de ce problème, ont, elles aussi, fixé des seuils de concentration.

Même préservée du risque de monopole, la concurrence économique entre médias peut avoir un autre effet négatif sur le pluralisme de l’information. La publicité est devenue la principale ressource financière des médias : les annonceurs (ceux qui font de la publicité) achètent de la place dans les journaux et du temps de diffusion sur les chaînes pour y faire la promotion de leurs produits. Le risque est que les médias deviennent dépendants des annonceurs qui paient d’autant plus que le journal a beaucoup de lecteurs ou que la chaîne a une forte audience : n’est-ce pas une incitation à privilégier le sensationnel ? Des réformes ont été tentées pour lutter contre ce risque, mais elles restent partielles (part maximum de la publicité dans les ressources des chaînes publiques, par exemple) tant la publicité est aujourd’hui indispensable au fonctionnement des médias.

3. Les médias et le respect des personnes

La disparition de la censure ne signifie pas que les médias peuvent faire circuler n’importe quelle information. En France, comme dans l’ensemble des démocraties, la liberté de la presse est limitée par le respect dû à la liberté, à la sécurité et à la dignité de chaque citoyen.

Les informations et les opinions qu’il est interdit de diffuser sont :

– celles qui mettent en danger la sécurité des personnes, soit leur sécurité collective (révélation de secrets nécessaires à la défense du pays), soit leur sécurité individuelle (appel au meurtre, incitation à la haine raciale) ;
– celles qui sont fausses, que l’on sait être fausses et qui blessent l’honneur (diffamation) ou la mémoire (négation de crimes contre l’humanité) ;
– celles qui sont vraies mais qui révèlent au public la vie privée de personnes sans qu’elles aient donné leur accord ;
– celles qui ne tiennent pas compte du principe de présomption d’innocence et qui traitent un suspect, un accusé, comme s’il était coupable avant qu’aucun jugement n’ait été prononcé.

L’absence de censure fait que personne ne puisse empêcher qu'une information de ce genre soit publiée : ce n’est qu’après sa publication que la justice peut intervenir. Elle poursuivra, pour infraction aux lois sur la presse, le journaliste auteur de l’information et le directeur du média qui l’a publiée ou diffusée. La liberté des journalistes s’accompagne donc, comme toute liberté, d’une responsabilité : c’est à eux de savoir si une information risque de constituer une infraction et de décider s’ils la publient.

Ce système est régulièrement critiqué. On lui reproche d’être trop protecteur pour la liberté de la presse et pas assez pour la dignité des personnes. En effet, une fois qu’une information diffamatoire est diffusée dans le public, le mal est fait : l’honneur de quelqu’un peut être atteint définitivement, même si le média responsable est condamné par la suite.

La loi a tenté de répondre à ce problème par certaines dispositions :

– le référé, c’est-à-dire le droit, pour le plaignant, de demander au juge de faire immédiatement cesser la diffusion d’un journal ou d’une émission, sans attendre le jugement qui déterminera s’il y a eu vraiment une infraction ; dans les cas graves, le référé est en général accordé, mais souvent après un début de diffusion ;
– le droit de réponse, qui se traduit par une obligation, pour un journal (mais pas pour une radio ou une télévision) qui a mis en cause quelqu’un, de lui permettre de se défendre par un article qu’il doit publier ;
– l’obligation pour le média, s’il est condamné, de rendre lui-même publique sa condamnation.

Toutefois, ces dispositions ne suffisent pas à régler le débat sur le pouvoir des médias et le respect des personnes. Régulièrement, des propositions plus strictes sont faites, mais elles sont rejetées car elles videraient la liberté de la presse de toute signification : par exemple, interdire aux journalistes de donner d’autres informations sur une affaire judiciaire que celles communiquées par la justice elle-même. Le problème reste donc posé, et c’est donc en grande partie à la conscience professionnelle des journalistes de le trancher. C’est pourquoi les associations de journalistes, françaises et internationales, s’efforcent de constituer une déontologie, c’est-à-dire un ensemble de règles de bonne conduite que le journaliste s’impose à lui-même par principe, et non pour éviter la censure ou une sanction devant la justice.