Un pouvoir en chasse un autre.
Libérés
en partie de l'étreinte des politiques, certains médias sentent, depuis
vingt ans, se renforcer l'emprise de leurs actionnaires et des annonceurs
publicitaires. On a parfois l'impression que les patrons se sont payé une
chaîne ou un journal dans l'espoir de les mettre à leur service.
"Lorsque
nous avons racheté 'le Nouvel Observateur' fin 1998,nous
souhaitions qu'il nous apporte un certain plaisir", dit Paul Dubrule,
en reprochant notamment à sa rédaction de militer pour les 35
heures."
Quelqu'un
qui met aujourd'hui de l'argent dans un journal veut être payé en
retour", note dans 'stratégies' du 16 décembre 2000 Cyril Lemieux,
sociologue et auteur de 'mauvaise
presse'.
Un
exemple :L'hebdo 'valeurs actuelles' consacrait en juin un dossier à
l'aéronautique,
pour le salon du bourget. Et quatre pages très flatteuses sur le dernier
livre de l'avionneur et élu RPR Serge DASSAULT. Nulle part dans
l'article
il n'est rappelé que le mag est la propriété de la famille
DASSAULT.
La
pub amène aussi certaines rédactions à réfléchir à deux fois avant
d'écrire sur certains sujets.
Pour avoir évoqué les difficultés de lancement de Zebank,
la banque en ligne de Bernard ARNAULT, le Nouvel Observateur n'a plus
profité des campagnes de pub des entreprises de son groupe de luxe, LVMH.
De
même, en révélant, au printemps 2000,que Renault fichait les ouvriers
de son usine du Mans,le quotidien France-soir a été brusquement écarté
de tout les plans médias du constructeur automobile.
Ces
journaux ont encaissé ,mais ça fait mal au porte-monnaie...
Certains
titres sont même sont parfois victimes d'un boycott des agences médias,
chargées de conseils aux entreprises, l'achat d'espace publicitaires.
C'est le cas de Marianne, hebdomadaire dont la ligne éditoriale est jugée
par les publicitaires trop politiquement incorrecte. Faute de pub, Jean
Francois Kahn,le patron de mag,a dû augmenter le prix de vente, passé de
10f à 15f,pour "garder son indépendance et maintenir l'équilibre
économique du titre".
Car,
malgré tout, la plupart des rédactions ont réussi à préserver leur
indépendance; Elles se sentent davantage gênées par une troisième
contrainte:des exigences de rentabilité toujours plus élevées.
"Depuis
les années 80,note Cyril LEMIEUX,les grands groupes ont investi afin de
rentabilité en vigueur dans d'autres secteurs économiques".Ces
investisseurs exigent de récupérer chaque année 15 à 20% du capital
investi. Pour y parvenir, on ferme des bureaux à l'étranger. On
programme une émission qui attirera la publicité. On renvoie moins de
temps pour mener une
enquête...
Pour
tenter de conserver le pouvoir chez eux, les journalistes ont parfois créé
des sociétés de rédacteurs, actionnaires principaux du titre. C'est le
cas au Monde, à Libération ou l'Humanité. Mais il devient alors plus
difficile
d'attirer
des investisseurs
pour développer le titre...
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